Perpète de Dinant vraisemblable prédécesseur de saint Lambert

à la lumière des analyses anthropobiologiques, archéométriques et écrites



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ne longue tradition historiographique faisait de saint Perpète – dont le buste reliquaire conservé à Dinant est au cœur d’un culte dynamique pluriséculaire – un évêque de Maastricht du tournant du VIIe siècle avant d’être exclu de la liste critique des évêques de Tongres-Maastricht-Liège arrêtée en 1982 par le Pr. J.-L. KUPPER. Le principal argument d’exclusion résidait le caractère tardif des sources écrites attestant cet épiscopat, allié à l’appel lancé, depuis les travaux de M. SOT, à mieux considérer le projet historiographique des auteurs médiévaux.

Dans le cadre de ses recherches doctorales consacrées à la christianisation du bassin mosan sous la promotion du professeur Fl. CLOSE, G. WYMMERSCH (Dpt des Sciences historiques – UR Traverses/Transitions) a œuvré à la réhabilitation de saint Perpète, en tant qu’homme historique et non seulement sujet de vénération, parmi les prédécesseurs de saint Lambert. Il s’est, pour cela, employé à faire dialoguer sources matérielles et sources écrites, n’hésitant pas à convoquer les sciences archéologiques, archéométriques et anthropobiologiques.

Relativisant l’autorité des sources écrites, G. Wymmersch a proposé d’accorder au témoignage des restes corporels le dernier mot dans ce débat autour du contexte historique de vie du saint. À cette fin, il a sollicité, en septembre 2019, du Doyen de la Collégiale de Dinant et de Chr. Pacco, Président de la Fabrique d’Église, l’autorisation de soumettre la calotte crânienne renfermée dans le buste reliquaire de saint Perpète (fig. 1) à un examen paléoanthropologique et d’en prélever un échantillon pour la réalisation d’une analyse radiocarbone (datation au 14C – carbone 14), en étroite collaboration avec l’Institut Royal Belge des Sciences Naturelles (IRBSN), l’Institut Royal du Patrimoine Artistique (IRPA) et le service de Paléoanthropologie de l’Université Libre de Bruxelles (Pr. C. Polet). À l’ouverture du reliquaire, le crâne était enveloppé dans un tissu légèrement transparent (tulle ?) noué par une centaine de fils blancs (fig. 2). Dans un souci de préservation du patrimoine religieux, la décision a été arrêtée de ne pas déballer la relique, mais de prélever la matière osseuse nécessaire aux analyses radiocarbones par l’un des trous relevés dans le tissu. L’analyse 14C réalisée par Mathieu Boudin, directeur du laboratoire de datation radiocarbone de l’IRPA, a conclu que le crâne date avec 91,1 % de probabilité d’entre 530 et 640 de notre ère, ce qui concorde parfaitement avec les dates suggérées approximativement par les sources écrites. L’excellent état de conservation de cette relique suggérait, par ailleurs, que le crâne de saint Perpète a fait très tôt l’objet d’un culte et a été soigneusement protégés. Restait pour conforter les arguments fournis par les sciences exactes de l’existence historique de l’évêque Perpète à s’assurer que ces ossements étaient bien ceux d’un homme adulte (caractéristiques physionomiques) et, éléments typiques d’un évêque à sa mort, qu’ils avaient bénéficié très tôt de soins spéciaux, suggérant son appartenance à un milieu socialement favorisé. De précieux éléments de réponses ont pu être apportés à ces questions par l’analyse anthropologique du crâne menée par le Pr. C. Polet (ULB), qui a confirmé l’appartenance de ce crâne à un sujet de sexe masculin et d’âge moyen. Plus remarquable a été le repérage, au cours de cet examen, d’une opération de sciage vertical et précoce de ce crâne probablement réalisé dans la perspective d’embaumement, suggérant le statut social élevé du défunt (fig. 3). L’existence historique d’un homme répondant au nom de Perpète vers la fin du VIe siècle ainsi confortée, se posait encore la question de la raison d’inhumation à Dinant plutôt que dans sa cité épiscopale. Selon G. Wymmersch, le choix de cette agglomération s’inscrit dans la pratique des évêques de Tongres-Maastricht de concentrer leurs efforts de christianisation dans les communautés les plus dynamiques du diocèse à l’époque mérovingienne.

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Cette recherche, dont les résultats sont parus cette semaine dans la Revue d’Histoire ecclésiastique, met en lumière le très grand intérêt, voire la nécessité, de l’interdisciplinarité pour le renouvellement des connaissances de la société alto-médiévale. Très concrètement, ses conclusions participent d’un appel à la révision systématique de la liste épiscopale des évêques de Tongres-Maastricht dans une tentative convaincante de réhabilitation des acteurs ecclésiastiques locaux dans le processus de christianisation du bassin mosan trop souvent attribués aux saints missionnaires exogènes, principalement insulaires et aquitains.

Références scientifiques

WYMMERSCH G. & POLET C., « Saint Perpète de Dinant, à la lumière des données anthropobiologiques, archéométriques et écrites : évêque de Maastricht (fin du vie – début du viie siècle) ? », in Revue d’Histoire Ecclésiastique, n°118/1-2 (2023), p. 5-43.

Référence Orbi : https://orbi.uliege.be/handle/2268/308594

Vos contacts à l’ULiège

Guillaume WYMMERSCH

Florence CLOSE

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