Instrument de revendication dont l’usage n’a cessé de croître ces dernières décennies, la manifestation constitue désormais un mode privilégié d’interpellation du pouvoir. La reconnaissance par les autorités policières et politiques de ce droit à protester dans la rue s’est petit à petit structurée au fil du XXe siècle. Entre les années 1960 et les années 1980, la manifestation devient un moyen de contestation extrêmement fréquent et utilisé par de larges catégories de la population sur des sujets de plus en plus variés. Dans le même mouvement pourtant, une série de protestataires estiment que son caractère ritualisé ou « routinisé » lui fait perdre son pouvoir d’interpellation ou de contrainte sur ceux à qui elle s’adresse. Ils tentent donc de renouveler les pratiques manifestantes et, dans certains cas, utilisent à cette fin des modes d’action illégaux ou violents. C’est à l’étude de ces deux décennies de transition que la thèse est dédiée en cherchant à comprendre, d’une part, les mécanismes de dialogue, de concertation et de « normalisation » qui ont petit à petit caractérisé l’organisation des manifestations et, d’autre part, les méthodes et actions de ceux qui refusaient de s’inscrire dans ce processus ou qui en étaient, en fonction de leur appartenance politique ou sociale, exclus ou réprimés. Pour l’envisager, le premier volet du travail propose l’étude fine de l’action manifestante et des violences qui peuvent marquer les cortèges afin d’identifier les catégories spécifiques qui mettent en place des actions de rupture mais aussi celles qui font face à la répression et la méfiance policière. La seconde partie interroge quant à elle le système policier tant du point de vue des mentalités et des conceptions que du point de vue des techniques et des tactiques. Il a ainsi été possible de démontrer comment différents corps de police construisent des « figures de l’adversaire » avec lesquelles le dialogue est jugé impossible et envers lesquelles des moyens de coercition et de répression spécifiques sont employés. Enfin, la troisième partie s’attache à comprendre le rapport à la rue des organisations syndicales et des groupes d’extrême gauche. L’étude de l’usage particulier de l’action violente par différents groupes a permis de proposer une autre histoire des années 1960 à 1980, où d’autres formes d’action militante s’élaboraient dans la rue, sur les piquets de grève ou durant une série d’occupations, formes qui ne se pliaient pas au mécanisme classique de la participation politique et à ses contraintes. Elle a démontré comment des organisations même minoritaires ont joué un rôle évident en donnant à leurs discours et à leurs actions dans la rue un sens politique particulier qui a participé à redéfinir les rapports de force et les attitudes des autorités publiques, des polices ou des organisations syndicales. 

Il s'agit d'une cotutelle entre l'Université de Liège et l'Université de Lorraine.